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À 82 ans, je suis entré en maison de retraite… et je le regrette profondément. Voici pourquoi
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À 82 ans, je suis entré en maison de retraite… et je le regrette profondément. Voici pourquoi

On m’avait dit que ce serait plus simple. Qu’à mon âge, il fallait « penser à moi », alléger mon quotidien, me laisser prendre en charge. Alors j’ai dit oui. À 82 ans, j’ai fermé la porte de ma maison une dernière fois… et je suis entré en résidence. Au début, tout semblait logique. Pratique. Rassurant, même. Mais très vite, j’ai compris que cette décision allait me coûter bien plus que mes souvenirs. Quand le confort devient un piège silencieux .Le ménage est fait. Les repas sont prêts. Tout est pris en charge, organisé, ordonné. Mais c’est justement là que le malaise commence. Ne plus avoir à décider de l’heure de son déjeuner. Ne plus faire son lit. Ne plus sortir quand bon nous semble. On croit gagner en confort… mais on perd une chose bien plus précieuse : le sentiment de mener encore sa propre vie.

Quand les liens s’effilochent doucement

Mes enfants m’ont aidé à m’installer. Ils sont venus les premières semaines. Puis, la vie a repris son cours — pour eux. Les appels se sont espacés. Les visites aussi. Je ne leur en veux pas. Mais ici, les journées sont longues quand on les passe à attendre un message qui ne vient pas.

Même entouré de résidents et de personnel, on peut se sentir profondément seul. Parce que la solitude, ce n’est pas l’absence de gens. C’est l’absence de proximité.

Quand les journées n’ont plus de but

Chez moi, je me levais avec des petites missions : arroser les plantes, éplucher les légumes, plier le linge. Ici, tout est prévu. Chronométré. J’assiste aux activités, je mange à heures fixes, je regarde par la fenêtre.

Mais sans but personnel, les heures deviennent floues, interchangeables. Je ne vis plus mes journées. Je les traverse.

Quand le corps s’endort doucement

Je marchais tous les matins. J’aimais aller chercher le journal à pied. Aujourd’hui, on me dit de « me reposer ». Mais à force de rester assis, le corps oublie qu’il savait encore faire. Monter un escalier devient un défi. Et ce qui était naturel devient soudain inquiétant.

Ce n’est pas la vieillesse qui m’a ralenti. C’est le manque de mouvement, de liberté, de spontanéité.

Quand l’intimité devient un luxe

On frappe à ma porte sans prévenir. On entre. On m’aide à m’habiller. On me propose des bains partagés avec d’autres. Tout est fait avec gentillesse, mais rien n’est vraiment à moi ici. Même le silence est partagé. Même mon fauteuil est le même que celui du voisin.

Je rêve parfois de fermer une porte, écouter de la musique à mon volume, m’endormir sans être réveillé pour « vérifier que tout va bien ».

Quand rentrer chez soi devient… impossible

Je croyais que ce serait temporaire. Que si ça ne me convenait pas, je pourrais repartir. Mais ma maison est vendue. Mes meubles ont été donnés. Mes repères sont ailleurs. Et mon entourage s’est adapté à cette nouvelle version de moi : celle qui n’est « plus à la maison ».

Ce que j’aurais aimé qu’on me dise avant

J’aurais aimé qu’on me parle des petites pertes invisibles : celles du libre arbitre, de l’intimité, de l’élan. Qu’on m’explique que « se faire aider » ne doit pas toujours signifier « laisser faire ».

J’aurais aimé qu’on explore avec moi les autres options : l’aide à domicile, les logements adaptés, les réseaux de soutien à l’extérieur des institutions. J’aurais aimé qu’on m’aide à rester acteur de ma vie, et non simple pensionnaire de mes derniers chapitres.

À ceux qui se posent la question

Ce n’est pas la maison de retraite en soi que je regrette. C’est le moment où j’ai laissé les autres choisir à ma place. C’est d’avoir cru que, parce que j’étais vieux, je ne pouvais plus mener ma propre barque.

Mais tant qu’on respire, on peut choisir. Choisir comment on veut vivre. Et comment on veut finir sa route.

Parce qu’à tout âge, la plus belle forme de soin, c’est de continuer à être soi.

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